Gouvernance
Gouvernement des entreprises et gouvernement des citoyens : des attentes et problématiques similaires ?
Dans le gouvernement des citoyens comme dans le gouvernement des entreprises, les problématiques sont proches et le besoin d’oxygène immense.
J’ai toujours considéré que le terme de gouvernement d’entreprise était plus approprié en France que le vocable mal francisé de gouvernance d’entreprise, traduit de corporate governance, pour faire saisir à des non experts ce dont il s’agit. L’utiliser pour réaliser un parallèle entre problématiques liées au gouvernement d’Etat et gouvernance d’entreprise parait encore plus pertinent.
S’interroger sur la qualité d’un gouvernement, c’est évoquer les conditions requises pour que le citoyen participe plus directement à la construction d’une démocratie pérenne et transparente ; évoquer un bon gouvernement d’entreprise, c’est parler des conditions qui permettent à l’actionnaire de s’intéresser et participer à la stratégie de l’entreprise.
Une évolution intervient balayant un présupposé du droit des sociétés selon lequel le conseil d’administration est le mieux à même de prendre les décisions, l’actionnaire n’étant là, notamment à l’Assemblée Générale, que pour vérifier si son intérêt a été pris en compte (dividendes) et qu’il n’y a pas eu d’excès dans l’exercice du pouvoir (conflits d’intérêt, etc.). La revendication d’un pouvoir plus important des actionnaires, portée notamment par l’Union européenne (directive « actionnaires ») challenge donc les Conseils d’administration comme celle d’une association plus étroite du citoyen défie le système de la Vème République à partir du concept de démocratie directe.
Restaurer la confiance à l’égard du citoyen/de l’actionnaire
Comment aboutir à une plus grande qualité démocratique au sein de l’Etat et des Entreprises, accepter plus de débat en préservant la capacité de décision ultime ?
A y regarder de près, les questions sont les mêmes : comment restaurer la confiance à l’égard du citoyen/de l’actionnaire, créer des conditions saines de participation de la société civile/des parties prenantes ? Interpeller la qualité des gouvernants, la transparence du processus de décision ? L’objectif étant d’élaborer la décision la plus performante et acceptable pour tous, intégrant au mieux les différents intérêts. A la clé, un arbitrage à faire au nom de l’intérêt social de l’entreprise, versus l’intérêt général pour l’Etat.
Les mécanismes de gouvernance choisis relèvent d’une conception culturelle et socio-économico-politique spécifique et se font écho du public au privé. La manière dont s’organise la gouvernance publique dépend du type de régime institutionnel, mais aussi de la maturité du système dans son rapport à la société civile (éléments de démocratie participative, statut du lobbying). La manière dont s’organise le gouvernement des entreprises reflète l’idée que ce pays se fait de la place et de la responsabilité de l’entreprise dans la communauté. Dans les deux cas, un ensemble de principes et de mécanismes intervient pour réguler les relations entre acteurs.
Gouvernement des entreprises et d’Etat : des logiques de transparence similaires
Les processus sont assez similaires. Un Etat démocratique a un système organisé avec des contre-pouvoirs, applique le principe de transparence (déclarations des intérêts financiers des ministres et élus), la circulation des informations (open data), l’accessibilité aux fonctionnaires et élus et une intervention de la société civile institutionnalisée. Un gouvernement d’entreprise pérenne repose sur des dispositifs créateurs de transparence : contrôle des comptes, rapports financiers, déclaration sur le gouvernement d’entreprise et la RSE, conventions particulières validées en AG, « say on pay » et des mécanismes protecteurs des minoritaires : droit de poser des questions et de proposer, présence d’administrateur indépendant potentiel arbitre de conflits d’intérêts , protection des intérêts de catégories spécifiques d’acteurs dont les salariés. Enfin, dispositifs de responsabilisation du management, etc.
Les logiques se rapprochent : de l’économique au politique, du politique à l’économie. Dans l’entreprise, l’économique penche vers le politique par le jeu de la RSE. L’impératif de l’intégration d’une dimension sociale et environnementale des affaires dans la stratégie amène l’entreprise à devenir acteur sociétal. Dans la sphère publique, le politique ne peut rejeter l’économique notamment du fait de l’impératif d’une gestion saine des finances publiques. L’évaluation d’un système politique se fait sur son efficience démocratique (libertés, protection) mais aussi économique (réduction du chômage, dynamisme éco).
La démocratie comme la démocratie actionnariale s’articule autour des mêmes questions : quid de la qualité des décideurs ? De la transparence du processus décisionnel ? De la capacité des minoritaires à intervenir et faire entendre leurs intérêts ? Comment conjuguer intérêts privés et intérêt général ? Quels contre-pouvoirs ? Quelques concepts, simples à coucher sur le papier mais difficiles à appliquer sous-tendent les réponses : principe de transparence, présence de contre-pouvoirs modérateurs et processus de responsabilisation, autant de principes fondateurs d’une gouvernance.
Préserver la capacité ultime de décision
Les bons mécanismes de gouvernance dans une démocratie moderne et une entreprise pérenne seront donc ceux qui sont aptes à intégrer l’expression des intérêts divers par la concertation mais aussi à préserver la capacité ultime de décision et, en faisant en sorte que celui qui décide assume la décision.
Après la saison des Assemblées Générales 2019, forte de travaux menés au Centre Européen en Droit et Economie de l’ESSEC sur la gouvernance pérenne et l’évolution des AG de 2012 à aujourd’hui, je questionne les droits mais aussi le DEVOIR d’engagement des actionnaires, pour que vive la démocratie actionnariale, comme on a pu ces derniers temps demander aux citoyens de participer à notre démocratie en votant, car l’abstention fait le lit des jusqu’auboutistes et en entreprise des plus activistes.
Rôle et responsabilités du Conseil en évolution
Cette « nouvelle entreprise » qui se construit à partir de la loi Pacte qui élargit le concept d’intérêt social à des considérations sociétales et environnementales, et au-delà pose la question d’une possible mission attribuée à l’entreprise interpelle évidemment la mission du conseil et son mode de fonctionnement, notamment dans les exigences de reporting et au-delà de dialogue avec les actionnaires dans leur diversité, et désormais les parties prenantes.
S’il est désormais acté qu’au moment de l’AG, l’équipe du Conseil est censée être présente et active, s’interroger sur la manière dont un administrateur indépendant « référent » peut porter ce dialogue, et aller au-devant des actionnaires pour soulager la tâche du dirigeant est une piste à creuser.
Tout savoir sur les administrateurs référents
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