Gouvernance

Planifier les lendemains : comment préparer votre conseil d’administration dès maintenant

Plus que jamais, les conseils d’administration sont jugés autant sur leurs intentions pour l’avenir que sur ce qu’ils font aujourd’hui. Les attentes à leur égard sont plus élevées que jamais, qu’il s’agisse de leurs responsabilités dans le domaine de la cybersécurité (les récentes révélations concernant les violations de données à répétition chez l’hébergeur GoDaddy en sont un exemple illustratif), d’écarts de diversité périlleux ou de la démonstration de progrès vérifiables en matière d’initiatives climatiques. Les conseillers en procuration et les investisseurs institutionnels réclamant des processus d’évaluation des conseils d’administration plus robustes, la constitution d’un conseil d’administration prêt à affronter ce que l’avenir lui réserve est une priorité absolue. Et sur ce point, les membres du conseil d’administration sont d’accord.

Dans le rapport 2023 de l’Institut Diligent, What Directors Think, les trois quarts des membres des conseils d’administration affirment que leurs responsabilités vont s’accroître dans les trois à cinq prochaines années. Ils se sentent également soumis à des pressions pour amener davantage d’expertise à la table du conseil. Pour près d’un quart des répondants, le prochain membre qui va y siéger devra combler un manque de compétences, par exemple en matière de cybersécurité. Les membres des conseils d’administration pointent également du doigt une dépendance grandissante à l’égard de fonctions telles que l’audit interne, qui exerce une plus grande pression sur le comité d’audit et éclaire le processus de prise de décision stratégique.

À une époque où le succès d’une entreprise se joue souvent sur les plus petits détails, ces nouveaux challenges et ces nouvelles demandes exigent du conseil d’administration qu’il adopte un nouveau mode de fonctionnement.

L’heure du changement est arrivée

Entre 2020 et 2023, le mode de fonctionnement du conseil d’administration a beaucoup changé. La pandémie de Covid-19 et les changements réglementaires ont amené les membres des conseils d’administration à modifier leurs méthodes de travail, ce qui n’est un secret pour personne. Aujourd’hui, ils sont plus impliqués dans la pratique routinière. Cherchant à superviser de plus près, ils passent davantage de temps avec les équipes de management et les responsables des différentes divisions, non seulement pour protéger l’organisation mais aussi pour se protéger eux-mêmes contre toute responsabilité personnelle.

Il est donc apparu une nouvelle volonté de faire appel à des experts externes sur des questions pour lesquelles les connaissances internes sont insuffisantes. La communication d’informations sur le climat en est un exemple : 51 % des membres de conseils d’administration ont fait intervenir des consultants pour les aider à se préparer aux futurs changements réglementaires. Les conseils d’administration se rapprochent également de leurs équipes juridiques pour obtenir des conseils sur des risques complexes tels que la protection des données et la confidentialité ; 48 % des répondants considèrent que les briefings sur la cybersécurité dispensés par les équipes juridiques constituent une approche proactive de la part de leur conseil d’administration.

Une évaluation rigoureuse de l’efficacité de votre conseil d’administration

En prenant conscience de leurs propres lacunes en matière d’expertise et d’expérience et en identifiant les moyens de les combler, les conseils d’administration se mettront à l’abri des risques futurs. Il est donc indispensable de parfaire l’infrastructure d’évaluation du conseil d’administration.

La composition du conseil d’administration doit être régulièrement réexaminée à la lumière des demandes internes, tout comme de l’évolution générale du marché, du secteur d’activité et de la société. Le conseil manque-t-il de vision à long terme ? Doit-il actualiser ses méthodes ? Possède-t-il les connaissances de base requises pour satisfaire aux nouvelles réglementations ?

Les conseils d’administration doivent également se comparer à leurs pairs et à leurs concurrents : dans quels domaines ont-ils réussi ? Quel impact les changements qu’ils ont mis en place ont-ils eu sur la perception de leur société et sa réussite ? Les conseils d’administration doivent toujours être désireux de mesurer leur approche et de la parfaire. Le processus d’évaluation du conseil est un outil nécessaire (et vital) pour garantir l’amélioration continue et renforcer la résilience.

Le processus de recrutement des membres du conseil exige le même degré de rigueur et de minutie. Il faut, au lieu de toujours puiser au sein du même réseau avec les mêmes candidats, définir les compétences manquantes et les trouver dans le cadre du recrutement. C’est ce que font les conseils d’administration qui jouissent d’une santé florissante alors que d’autres restent à la traîne.

Avec une transformation numérique qui s’invite dans tous les domaines, les décisions de recrutement vont s’avérer tout particulièrement importantes. En effet, bien que 42 % des membres des conseils d’administration interrogés dans le cadre du rapport What Directors Think considèrent la transformation numérique comme une priorité absolue, 35 % d’entre eux ont ouvertement fait part de leurs difficultés à superviser la mise en œuvre des nouvelles technologies dans leur entreprise. Sans une approche plus rigoureuse de la composition du conseil d’administration, les organisations risquent l’immobilisme et le déclin. Comme le souligne le rapport, près d’un quart de leurs membres estiment que les structures traditionnelles du conseil d’administration ne correspondent plus aux domaines de risques et d’opportunités actuels.

Ne laissez pas le processus d’évaluation se figer ou s’enliser dans les anciennes méthodes. Les conseils d’administration d’avant-garde reconnaissent que cet exercice, habituellement effectué une fois par an pour répondre aux exigences réglementaires, doit être plus fréquent pour aboutir à une amélioration continue de la performance.

Les conseils d’administration doivent donc élargir le périmètre de leurs évaluations et de leurs critères d’amélioration. Ils doivent aller au-delà de l’évaluation de la performance pour soupeser aussi la performance individuelle et celle du comité. Il faut réfléchir aux avantages qu’une évaluation du conseil d’administration par des tiers ; les observations d’une source externe, neutre et impartiale, peuvent révéler des déficiences qui passeraient autrement inaperçues. Recadrez et n’hésitez pas à recommencer de zéro.

Élargissez votre périmètre de concertation

L’époque où le conseil d’administration fonctionnait en vase clos est révolue. Les risques évoluent continuellement et s’infiltrent dans toutes les équipes. Ils menacent toutes les strates de l’organisation. Un conseil d’administration moderne doit être équipé des informations pertinentes, pour prendre des décisions éclairées.

Il a impérativement besoin des informations que les équipes interdisciplinaires sont à même de lui fournir. Les problèmes communs étant susceptibles de concerner de nombreuses équipes au sein de l’entreprise, notamment les services chargés des risques, de l’audit et de la conformité, celles-ci devraient les regrouper pour les présenter ensemble au conseil d’administration. Qui plus est, les conseils d’administration devraient insister sur ce point. En voyant l’interconnexion de ces risques, de préférence sous l’angle de son impact potentiel, le conseil d’administration pourra prendre des décisions basées sur les données pour ajuster les stratégies ou libérer des ressources. Il pourra contrer efficacement les risques, qu’il s’agisse de la confidentialité des données ou de l’esclavage moderne, avant qu’ils deviennent impossibles à contrôler.

Parallèlement, les conseils d’administration doivent rechercher des moyens leur permettant de rester engagés au-delà des limites de la salle de réunion, tout en équilibrant leur niveau global d’implication dans les opérations quotidiennes de l’entreprise (cette question a été analysée en détail dans un récent épisode de l’émission Inside America’s Boardrooms). Le contact fréquent et ouvert avec le management et les principaux responsables de l’entreprise est une méthode simple mais efficace pour neutraliser les crises potentielles. Un conseil d’administration à qui les différentes parties de l’organisation auront fourni des informations, des données et des analyses pourra faire lui-même ses propres recherches, de manière indépendante, afin d’obtenir une image beaucoup plus complète que celle à laquelle il aurait eu accès autrement.

Cet engagement de tous les instants doit s’étendre au-delà de la salle du conseil d’administration. Pour que la croissance soit au rendez-vous, il est nécessaire d’établir une relation de confiance avec les parties prenantes dans l’organisation et en dehors de celle-ci. En effet, près de la moitié (49 %) des membres des conseils d’administration ont affirmé que la satisfaction des clients était le meilleur indicateur de la performance d’une entreprise dans l’environnement actuel, avant le rendement pour les actionnaires ou le dépassement des prévisions de bénéfices. Un conseil d’administration tourné vers l’avenir doit envisager de formaliser le processus de collecte des commentaires des parties prenantes et permettre aux clients et aux employés de devenir des éléments clés au sein de tous ses débats.

En 2023, pour réussir, le conseil d’administration doit avant tout comprendre que la valeur d’une entreprise ne se résume plus à son seul résultat. La façon dont le conseil d’administration s’adapte à cette réalité – ou ne s’y adapte pas – aura de fortes répercussions. Les conseils d’administration qui s’érigent en pionniers agissent maintenant. L’immobilisme permettra à d’autres de prendre de l’avance.

 

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